Cas spécifique des agglomérations africaines...
Fléau des temps modernes et conséquence de la mondialisation, le très lucratif trafic des médicaments de contrefaçon demeure un sujet d'actualité. Toutefois, le propos de ce bref article se limitera au cas édifiant, et parfois terrifiant, de l'Afrique sub-saharienne - que je connais le mieux -, l'essentiel de l'attention étant porté sur le Congo-Brazzaville, pays d'où je suis originaire, et auquel j'ai récemment consacré une publication[1].
Que les lecteurs se rassurent: mon choix, en apparence "restrictif et sélectif", n'a en réalité rien d'arbitraire ni de gratuit, et encore moins de fortuit. Pourquoi donc? Élément de réponse: au regard des médicaments de la rue, Brazzaville n'est en rien un cas isolé en Afrique. Preuves à l'appui, cette localité, véritable observatoire et laboratoire des maux qui rongent l'Afrique contemporaine, tient lieu de vitrine à travers laquelle on peut "contempler" ce qui se passe dans le continent. Oui, ailleurs, à commencer par sa « sœur jumelle », Kinshasa, capitale de "l'autre Congo", située de l'autre côté du fleuve éponyme...
Tout compte fait, qu'il s'agisse de Brazzaville, de Kinshasa, ou de n'importe quelle mégalopole africaine, nous avons au départ affaire aux mêmes vulnérabilités environnementales et, à l'arrivée, au même profil sanitaire, ainsi qu'aux mêmes mécanismes de compensation et d'adaptation à des mutations et fluctuations, dont les méfaits sont aggravés par des problèmes de Gouvernance. Continuons...
Au risque de surprendre, si ce n'est de choquer (tel n'est pas mon but), je me permettrai d'affirmer que les faux médicaments en Afrique, et notamment à Brazzaville, ne sont pas un problème en tant que tel. A contre-courant des lieux communs, nuançons d'emblée le propos en disant qu'il s'agit surtout d'un "problème de façade et de surface". Nuançons davantage le propos en ajoutant que derrière le "problème de façade et de surface", image troublante d'une réalité non moins troublante, se profile la réalité, c'est-à-dire: les problèmes de fond, les uns sous-jacents, les autres en suspens...
Principal enseignement à tirer de ce qui précède: ce que l'on appelle communément les faux médicaments, ne constitue pas en eux-mêmes un problème, et encore moins le problème, mais plutôt le "simple" reflet d'un problème. Par contre, quoique n'étant pas un problème en eux-mêmes, les faux médicaments n'en restent pas moins, et ici réside la gravité inhérente à la question, de nature à soulever des problèmes de fond, autant d'enjeux et défis qui, dans le cas de l'Afrique, ont pour noms: hygiène et assainissement, dépistage, prévention, soins de qualité.
En somme, seule la perception du phénomène, souvent mal cerné dans ses contours, fait problème. En conséquence de quoi, les médicaments de contrefaçon, en vente libre dans les rues et ruelles de Brazzaville, se révèlent être: un baromètre des pressions environnementales, un thermomètre de la fébrilité sociale[2], un marqueur de la précarité économique et financière des populations. Mais aussi, cela va de soi, un marqueur de l'inefficacité des politiques de santé, les problèmes de Gouvernance faisant office - et ici réside la complexité de la situation - d'amplificateur d'un révélateur de problème subtilement maquillé en problème. Ce qui contribue souvent, malheureusement, à déplacer les problèmes, en l'occurrence les vrais problèmes, autrement dit les problèmes en mal de solutions...
Docteur Michel ODIKA
NOTE: Pour moins de 3,5 d'habitants, le Congo Brazzaville, 3ème producteur de pétrole de l’Afrique subsaharienne, est suffisamment riche pour mettre son peuple à l’abri d‘une médecine hasardeuse et dangereuse.