I – Il est des événements fondateurs dans la mémoire collective d’une Nation. Fût-il de douleur, l’événement que chaque année nous commémorons en ce mois de peine, fait désormais partie de l’Histoire assumée de la jeune Nation congolaise, quelque honte, quelque regret que nous exprimions pour ce qui advint. La mort du Cardinal Émile Biayenda est un ferment, une graine vers des futurs de plus de fraternité. Saurait-il en être autrement ? Serait-il possible que plantant du maïs, on vienne à récolter de l’ivraie ? La bonté et le regard embrassant du Cardinal, son élan vers tous les Congolais, pourrait-il produire autre chose que plus de raisons pour chacun de nous dire de nous sentir encore plus astreint au devoir d’humanité au sein d’une Nation qui est nôtre à tous égards ?
Le Mardi 22 mars 1977, une heure avant d’être enlevé, le Cardinal Émile Biayenda signait un appel avec les responsables des Églises Évangélique, Salutiste, Kimbanguiste du Congo: « A tous nos frères croyants du Nord, du Centre et du Sud, en souvenir du Président Marien Ngouabi, nous demandons beaucoup de calme, de fraternité et de confiance en Dieu, Père de toutes races et de toutes tribus, afin qu’aucun geste déraisonnable ne puisse compromettre un climat de paix, que nous souhaitons tous. »
A 17heures 30, une Land-Rover avec deux hommes armés à bord venait prélever à l’Archevêché de Brazzaville le Cardinal Émile Biayenda. Nous pensions alors qu’il s’agissait d’une rencontre avec les autorités militaires. Toute la soirée, dans une ville sous couvre-feu, nous avons attendu et espéré. A 3 heures du matin est tombée la nouvelle, d’une transperçante douleur. Devant les représentants des Églises catholique, Évangélique, Salutiste, Kimbanguiste convoqués en toute hâte à l’État-Major, le Comité Militaire du Parti nous apprenait que le Cardinal Émile Biayenda avait été lâchement assassiné par vengeance, en haine de la foi. Un martyre de plus dans la longue liste des disciples du Christ.
Pour nous chrétiens, la mort du Cardinal Émile Biayenda, c’est la mort du Christ en croix, la mort du disciple qui a suivi le chemin douloureux de son Maître Jésus. Une mort douloureuse, mais aussi une mort qui ne doit pas être inutile, « une mort qui doit purifier notre pays de toutes ses folies » comme le proclamait le mercredi 23 mars 1977 au soir l’Abbé Louis Badila, vicaire général.
II – Le Cardinal Émile Biayenda est né à Maléla-Bombé (Mpangala), dans la partie sud-ouest de la République du Congo, en 1927. Il fréquente l’école de la mission catholique de Kindamba de 1937 à 1942, puis celle de la mission de Boundji jusqu’en 1944. Vers la fin de 1944, il entre au petit séminaire Saint-Paul de Mbamou, pour continuer en 1950 au grand séminaire de Brazzaville, où il finit ses études ses religieuses. Six ans après, il est envoyé en Europe pour des études supérieures à l’université de Lyon, en France, où il s’est diplômé en théologie et en sociologie en 1969.
Ordonné prêtre le 26 octobre 1958, il est affecté à Brazzaville, comme vicaire à la paroisse Sainte Marie de Ouenzé de 1959 jusqu’en 1962, curé à la paroisse St-Jean Marie Vianney de Muleke de mars 1962 à juillet 1965, et aussi responsable diocésain de la Légion de Marie de 1960 à 1965. A son retour de France en 1969, il est nommé vicaire à la paroisse Saint-Esprit de Moungali.
Le 18 février 1970, il est choisi par ses confrères comme vicaire épiscopal, responsable de la coordination des œuvres d’apostolat et de diverses commissions diocésaines. Le 17 mai 1970 il est consacré archevêque-coadjuteur de Mgr Théophile Mbemba de Brazzaville. Il devient archevêque de plain-titre le 14 juillet 1971 jusqu’à sa mort. Le Pape Paul VI le fait cardinal le 5 mars 1973. Mgr Emile Biayenda participe au synode des évêques en 1971. En 1972, en collaboration avec tous les évêques du Congo, il adresse une lettre pastorale sur le développement et sur la place du chrétien dans la communauté nationale. Pendant son épiscopat, il a publié plusieurs textes sur l’éducation des enfants, la famille, l’importance de la liturgie, et sur la sainteté lors de son voyage à Lizieux en 1975. Neuf ans après sa mort, son successeur à l’Archevêché de Brazzaville, Mgr Barthélémy Batantu, paix à son âme, introduisait à Rome, en septembre 1996, la cause en béatification et en canonisation du Cardinal Émile Biayenda.
III – Comme tous les croyants de l’Église catholique proclament la mort du Seigneur Jésus-Christ, et célèbrent sa résurrection à la messe, nous rappeler à notre tour la mort du Cardinal Émile Biayenda n’est pas une nostalgie. C’est la proclamation de notre foi, une manifestation de notre adhésion au sacrifice d’un homme qui plutôt que de préserver sa propre vie, a offert la sienne pour le salut de toute son Eglise, de son peuple et de son pays. « Accorde Dieu notre Père à ton serviteur, le Cardinal Émile Biayenda, la grâce d’être glorifié parmi tes élus. Accorde à la nation et à l’Église congolaises la grâce de l’unité et de la paix. »
A Paris, le mardi 22 mars 2011
Pour l’Association Cardinal Émile Biayenda-France (ACEB-France)
Président
Gabriel SOUNGA BOUKONO
NOTE: Office religieux à Paris
Pour ce 34ème anniversaire de la mort du Cardinal Émile Biayenda, un office religieux sera célébré le samedi 30 avril 2011, à 15h précises, en l’église Saint-Denis de la Chapelle, à Paris 18ème. Métro ligne 12, station Max Dormoy.