Enfant de la Goutte d’Or, Jocelyn Armel, dit le Bachelor, est un sapeur, un dandy africain au look vestimentaire soigneusement étudié. En 2005, il a créé Connivences, une marque et deux boutiques de vêtements, situées dans le 18e arrondissement de Paris.
Né voilà cinquante ans au Congo-Brazzaville, Jocelyn Armel connaît bien la Goutte d’Or. Sa mère y tenait un restaurant. Il y a passé son enfance, y a fréquenté l’école. C’est à Paris qu’il a fait ses études, s’est marié, a fondé une famille. Avant de tomber dans la sape, ces vêtements à la coupe impeccable et aux couleurs audacieuses, il a d’abord travaillé dans le restaurant maternel. Jusqu’au jour où la passion du sapeur a pris le dessus. En 2005, Jocelyn Armel crée sa marque, Connivences. Et il a ouvert la boutique du même nom, au 12, rue Panama.
Connivences est conçue pour les amoureux de l’élégance africaine à la mode occidentale. Des blancs aussi viennent rue de Panama se fournir en tenues de coupe sobre mais aux couleurs éclatantes. Evitant ainsi à la sape de s’enfermer dans l’ethnisme. Preuve que l’amour des beaux atours transcende les barrières culturelles. Comme Jocelyn Armel l’explique avec conviction, « les Africains aiment s’habiller et maîtrisent toutes les couleurs pour créer un tableau avec leurs vêtements. Voilà pourquoi les artistes, les musiciens, aiment aussi les couleurs de nos costumes. »
À 50 ans, en parfait commercial et la voix posée, Le Bachelor souligne que sa marque de prêt-à-porter présente une offre complète : costumes, chemises, cravates, mais aussi chaussures et accessoires. Et, pour tous les produits, le même souci du détail, de la finition, du choix des matériaux. Vêtements et chaussures sont fabriqués en Italie, puis vendus à Paris, symbole du chic à la française. La clientèle tient beaucoup à cette double origine. Quand ils rentrent en Afrique, pour les vacances, des fêtes ou des mariages, les fidèles de Connivences veulent montrer qu’ils sont bien vêtus. Qu’ils n’achètent pas n’importe quelle marque. Les sapeurs sont fous des marques.
Quand Jocelyn parle de la sape, forcément il parle de l’Afrique. « La sape vient du Congo-Brazzaville. Elle est née à la fin des années cinquante, après l’indépendance du pays. C’est un mélange entre les vêtements de l’époque du jazz et les habits du dimanche pour aller à la messe. C’est pour ça que la sape ne s’est pas développée de la même manière en Afrique de l’Ouest. Là-bas, ils sont musulmans et ne portent pas les mêmes vêtements pour aller à la mosquée que nous pour aller à l’église. En Afrique, on reconnaît un Congolais à ses vêtements élégants et colorés. »
À Paris, la sape connaît son apogée dans les années 80. Le phénomène suit les mouvements migratoires des populations d’Afrique centrale. C’est à Paris qu’il faut aller s’approprier les symboles de l’élégance. Quelques années plus tard, les sapeurs remontent de Strasbourg-Saint-Denis vers Château Rouge. La sape est passée dans le 18ème ! En 2009, Jocelyn Armel ouvre une seconde boutique, au 22, rue Caulaincourt. Il souhaite élargir sa clientèle. « Mes clients me disent parfois qu’ils ont peur d’aller rue de Panama, à cause de la mauvaise réputation du quartier », raconte-t-il.
Si en semaine l’affluence est modeste dans la boutique, le samedi, c’est une autre histoire. « C’est plein de sapeurs, d’artistes, des gens d’autres pays, parfois des Européens, raconte Jocelyn. Nous échangeons des nouvelles, nous parlons. Parce que ce n’est pas une vraie boutique pour nous, c’est comme un café. Dans la boutique de la rue Caulaincourt, c’est plus calme, la rue est plus large et les gens qui se promènent là-bas sont différents aussi. » Grace aux sapeurs, le chic parisien continue de régner, de Tokyo à Brazzaville, de Los Angeles à Kinshasa, depuis la Goutte d’Or, jusque dans l’avenue Montaigne !
Nadine Kouznetsova
dixhuitinfo.com