Après le fils du président équato-guinéen Teodoro Obiang qu’ils ont mis en examen, la famille de
Sassou Nguesso: les juges financiers parisiens chargés de l’enquête dite des biens mal acquis
ciblent l’entourage du président congolais.
Les juges Roger Le Loire et René Grouman ne semblent guère impressionnés par Denis Sassou
Nguesso qui, en avril 2013, lors d’une visite officielle en France, leur avait dénié «le droit»
d’enquêter sur le patrimoine de sa famille. Une entorse, selon lui, au principe de non-ingérence.
Tout comme le Gabonais Omar Bongo, décédé depuis, et les Obiang, le président du Congo et sa
famille sont visés depuis 2009 par une enquête sur leur patrimoine français. Elle a été
déclenchée par une plainte de l’association Transparency International qui le soupçonnait «d’avoir détourné, à son profit et au profit de sa famille et de son clan, une partie substantielle de
la rente pétrolière» du pays d’Afrique centrale.
La semaine dernière, une quinzaine de véhicules de luxe ont été saisis à Neuilly-sur-Seine, chez
des membres de sa famille, ont annoncé à l’AFP des sources proches de l’enquête.
Dans cette commune cossue de la banlieue parisienne, les enquêteurs ont déjà mené une
perquisition, le 3 octobre 2014, dans un triplex de 300 m2 dont ils sont convaincus que «les réels
propriétaires», dissimulés derrière des sociétés civiles immobilières (SCI), sont un couple de la
famille, a-t-on ajouté.
Une perquisition spectaculaire, selon un inventaire dressé à l’AFP par une source proche du
dossier: bijoux, montres, parfois serties de pierres précieuses, vêtements de marque pour
certains encore munis de leur étiquette de prix s’élevant à plusieurs milliers d’euros. Mais aussi
des factures d’achats de vêtements pour plus de 1,3 million d’euros entre février 2010 et janvier
2011.
Quand ils ont demandé à une occupante de l’appartement d’ouvrir une valise cadenassée, les
enquêteurs y ont trouvé des liasses de billets en coupures de 100 ou 200, pour plus de 250.000
euros, et près de 150.000 dollars, rapporte la source.
Entendue début novembre, l’agent immobilier qui a conclu la transaction s’est souvenue d’une
vente «longue et compliquée» car le couple «a demandé des modifications» avec des requêtes
parfois «démesurées comme une piscine sur la terrasse ou des dressings de 15 m2».
- 'Le Congo, pays souverain' -
Les travaux dans ce triplex acquis pour environ 2,3 millions d’euros en 2009 ont été évalués par
les enquêteurs à environ 1,5 million, somme notamment réglée à un architecte d’intérieur par
une société offshore de droit mauricien, Cipci International, dont les enquêteurs pensent que le
compte est «essentiellement alimenté» par le Trésor public congolais, poursuit une source
proche de l’enquête.
Ces mouvements financiers intéressent les enquêteurs: dans le triplex de Neuilly, ils ont saisi des
ordres de transfert de fonds du Trésor de Brazzaville vers diverses sociétés pour un montant de
plus de 20 millions d’euros entre juin 2010 et juillet 2012.
L’écheveau de sociétés est complexe, mais les enquêteurs s’appuient notamment sur des
signalements de la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin. Ils s’intéressent par exemple à ces
virements d’un armateur congolais «au bénéfice de sociétés d’aviation privée», d’un parc de
loisir, de restaurants ou de traiteurs chics parisiens, rapporte une source proche du dossier.
En juillet, Tracfin s’étonnait aussi des 18 millions versés entre 2012 et 2014 à des architectes
d’intérieur par des entités publiques congolaises.
Ce qui pourrait relever du «recel de détournement de fonds publics», selon Tracfin qui a
recommandé à la justice de s’intéresser aussi à divers achats immobiliers à Paris réalisés par des
ressortissants congolais, tel cet «avocat international proche du président congolais Denis Sassou
Nguesso», gérant de deux SCI, rapporte la source.
«L’institution judiciaire française persiste à se mêler de ce qui ne la regarde pas. Il s’agit des
finances du Congo, pays souverain, pas des finances de la France. Toute enquête de ce type est
illégale au regard du droit international», juge l’avocat de la République du Congo, Jean-Pierre
Versini-Campinchi.