Le 15 Mai 1997, je soutenais ma thèse à Paris...
Le 20 Mai 1997: je m'envolais pour Brazza...
Le 5 Juin 1997, j'étais réveillé par les mitrailleuses à Mpila vers 4 ou 5 heures du matin alors que la veille, rien ne présageait cela …
En ouvrant la fenêtre, les miliciens aux bottes rouges quadrillaient toute la zone du dépôt "Hydro-Congo" de Mpila et le soir même, le feu des orgues de Staline avait commencé sa danse macabre. Il passait au dessus de nous pour aller mourir sur l'île Mbamou puis s'éloignait vers Ouenzé, Talangaï; j'imaginais qu'il se fracassait sur les collines de Mikalou et revenait vers nous …
Le soir du samedi 07 juin, les bottes rouges battaient en retraite pour se retrouver au delà du Trésor-Public. C'était la première et j'espère la dernière fois que je me trouvais au cœur d'un combat urbain comme dans un film. Je revois encore ce militaire, avec sa lourde mitraillette, couché sur l'avenue Amilcar Cabral jouant une partition macabre et les autres courant comme des ombres maléfiques, armes à la main … bref, une tragédie.
Le dimanche, nous avons pu sortir de la nasse pour filer vers Ouénzé. Vers la SIAT, on a entendu siffler les balles au dessus de la voiture, la fameuse break Citroën rouge de mon oncle Jean-marie (longa nkolo tè): "tac-tac-tac. Sortez!"
Ces hommes, manifestement des militaires venus du nord du Congo ... avec des filets noirs protégeant leurs visages nous avaient encerclés.
Hélène, les bras en l'air comme nous tous, dandinait comme savent faire les femmes de chez nous tout en disant: " Lé yaa abia oboma! Lé yaa abia oboma! Lé yaa abia oboma,"...
Ils nous ont laissé passé...
À Ouénzé, vidé de l'essentiel de ses habitants, les hommes en armes devant les barricades nous étaient connus ... aucun risque, juste la fameuse phrase: "ah moto, kala hein, oyaki depuis quand?"...
Trouver à s'abriter afin d'éviter ces obus qui nous tombaient sur la tête …
Le 13 juin,avec mon frère Ludo, notre grand Adam (RIP) on prenait, moyennant 5000 cfa chacun, une pirogue à moteur à Yoro pour Kin avec escale sur l'ïle Mbamou au lieu connu sous le nom de "Chinois" où les malfrats armés qui nous amenaient se partageaient leur butin.
Ouf, Kinshasa que je n'avais pas revue depuis des années! … Barumbu, Kapanga, tonton Joseph, Coco ...
Le 15, un Jumbo de la SABENA me déposait à Bruxelles et un autre à Paris … enfin le silence après une semaine de bruit de canon ... avant d'entendre d'autres malheurs qui allaient s'abattre sur le pays et sur la famille …
Une pensée pour tous ceux qui n'ont pas eu la chance d'échapper à cette barbarie...
Pierre Edoumba
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